Hawaï : un archipel d'îles lointaines, très lointaines, perdues au milieu du Pacifique. Des îles qui évoquent le soleil, les sonorités exotiques du ukulélé, les cocotiers, le surf, les plages de sable blanc, la végétation luxuriante, mais aussi la grande ville américaine d’Honolulu et ses immenses gratte-ciels. Pourtant, derrière la carte postale, se cache une histoire coloniale sinistre, invraisemblable, que seul un pays comme l’Amérique est capable d’en être l’auteur.
En venant à Hawaï, nous croyions découvrir une autre île polynésienne, alors que nous nous rendions aux Etats-Unis : un territoire parfaitement maîtrisé, de grandes routes goudronnées comme sur le continent, empruntées par des pick-up géants, et bien sûr des supermarchés. Le mystère qui émanait du fond des vallées ou des plateaux arides des Marquises semble s’être volatilisé ici. Les sites naturels sont balisés par des sentiers qu’il est fortement conseillé de suivre, par mesure de sécurité ; des panneaux à l’entrée de propriétés privées déconseillent le visiteur de s’aventurer au-delà de la limite entre le domaine public et le domaine privé, au risque de se « faire tirer dessus » : "No trespassing. Violators will be shot. Survivors will be shot again". (véridique)
L’archipel n’appartient plus aux Hawaïens depuis très longtemps. Les petits poissons, comme le raconte le dicton polynésien, ont été « mangés par d’étranges et plus gros poissons » qui venaient du large (« large and unfamiliar fishes will come from the dark ocean, and when they see the small fishes . . . they will eat them up »).
La main invisible de l’économie libérale de la grande Amérique ne semble pas prête de se retirer de si tôt.
De la culture Hawaïenne, aux premiers abords, il ne reste que les toponymes, et les ruines de quelques temples protégés depuis la renaissance culturelle des années 60, par le Département de la culture. Bien sûr, la réalité n’est pas aussi noire que je le raconte ici, et puis, ce ne sont que nos ressentis.
En effet, si on cherche bien, en s’éloignant des sentiers touristiques, si l’on a de bons contacts, on peut trouver des villages de pêcheurs, des exploitants de tarodières, où y subsistent un semblant de mode de vie océanien. On peut aussi trouver des Américains du continent, qui sont venus chercher un coin de paradis, outre-mer, en restant en territoire états-unien et en y développant de belles initiatives.
Les îles Hawaï ont été découvertes par les Polynésiens, originaires des Marquises, entre 300 et 900 après J.-C.
Le nom d’Hawaï (hawai'i en Hawaïen), viendrait d’Havaiki, le nom que donnait ce peuple à l’au-delà. À partir de 1100 après J.-C., il y a eu une deuxième vague de migrations, cette fois-ci des Tahitiens, qui mirent les Marquisiens en esclavage. Ils devinrent des Hawaïens. Ils vivaient en tribus et organisaient le territoire des îles selon Mauka to Makai (de la montagne à la mer), afin que chacun puisse disposer de la diversité des ressources de l’île, depuis les plantes qui poussent en altitude jusqu’aux coquillages des plages. Ces tribus se livraient par ailleurs des guerres sans merci pour la conquête de territoires et de ressources. Rien ne changea jusqu’à l’arrivée du Capitaine Cook (qui redécouvrit l’île en 1778, et fut d’ailleurs assassiné sur l’île d’Hawaï, et peut-être même mangé), et qui fit entrer l’archipel « dans l’histoire du monde ».
La colonisation d’Hawaï, aurait pu ressembler à celle des autres îles du Pacifique : bouleversement de la société traditionnelle (évangélisation, baisse drastique de la population native, suppression de la culture locale, création d’un royaume), mais il y a eu quelque chose en plus, qui a fait que l’histoire de l’archipel est vraiment particulière. En effet, il a été colonisé par le pays le plus libéral du monde : les États-Unis.
Après que les colons permirent la création du royaume d’Hawaï, gouverné par le roi Kamehameha, des hommes d’affaires du continent américain se sont intéressés à l’archipel, car il voyait dans ces terres fertiles un moyen de développer leurs business, en y exploitant le riz, la canne à sucre, ou encore l’ananas. Ces notables se sont donc fait une place au sein de la cours nouvellement créée, ce qui leur permis d’être très influents et d’acquérir un pouvoir considérable tout au long du XIXème siècle, en faisant pression sur les rois qui se succédèrent à la tête de l’archipel pour que les décisions jouent en leur faveur.
Assez rapidement, les terres de l’archipel n’appartinrent plus aux Hawaïens. En 1848, le Roi Kamehameha III vendit la quasi-totalité des terres aux hommes d’affaires. Les Hawaïens natifs, pour qui la propriété privée était une notion incompréhensible dans leur culture, ne saisirent pas tout de suite l’impact que cet acte pouvait avoir sur leur avenir. Du jour au lendemain, les terres qui appartenaient à tout le monde devinrent les propriétés de certains industriels américains. On estime qu’à l’époque 50% des terres appartenaient à seulement 50 personnes ! Une île entière a même été achetée par un seul homme pour y faire pousser des ananas ! Quant aux Hawaïens, à qui, on pourrait le penser, les terres auraient dû revenir, n’en obtinrent qu’à peine 1%…
C’est alors que l’archipel devint une terre d’exploitation et d’immigration. Il y avait alors une demande de main d’œuvre très importante (80% des Hawaïens natifs avaient péri à la suite des maladies apportées par les colons). Ainsi, des Japonais, Chinois, Philippins, Portugais, Porto-Ricains affluèrent à Hawaï pour assurer une production agricole en pleine croissance.
C’était à l’époque des balbutiements de l’industrie agro-alimentaire, qui deviendrait, plus tard, un poids considérable dans l’économie des États-Unis d’Amérique. Mais à partir des années 80, la concurrence des pays émergents rendit le sucre hawaïen beaucoup trop cher (la dernière plantation de canne à sucre ferma ses portes dans les années 1990). À cause de la surexploitation des sols, puis de l’utilisation d’engrais et de pesticides à partir du milieu du XXème siècle, les eaux furent polluées, et les sols récupèrèrent difficilement leurs propriétés nutritives. De plus, depuis quelques dizaines d’années, Hawaï est aussi un véritable laboratoire pour des entreprises multinationales de l’agro-industrie, qui y testent leurs organismes génétiquement modifiés et les pesticides qui vont avec. En effet, le climat d’Hawaï permet d’obtenir trois récoltes de maïs par an !
Pourtant, depuis quelques années, des voix s’élèvent parmi les Hawaïens, et ils semblent que ces multinationales ne soient pas aussi bien accueillies qu’elles l’étaient. Certaines d’entre elles s’en sont déjà allés chercher fortune ailleurs. Si nous avons remarqué que les Etats-Unis étaient capables du pire, ils sont aussi capables du meilleur, et c'est ce que l'on a cherché à comprendre. Nous nous sommes intéressés à ces petites fermes qui ont commencé à fleurir ici et là...