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Motu Haka


La culture marquisienne a bien failli disparaître pendant la deuxième moitié du XXème siècle. Les Marquisiens ont vu leur société traditionnelle bouleversée par la colonisation européenne à partir du XVIIIème siècle : polythéistes et animistes, ils sont devenus catholiques avec l’évangélisation ; d’une population estimée entre 50 000 et 100 000 habitants au XVIIIème siècle, elle s’est réduite à 6000 à la fin du XIXème siècle, notamment à cause des maladies amenées par les Européens ; d’une société tribale organisée en chefferies, elle est devenue administrée par l’État français… Quant aux arts, ils ont été brutalement interdits par les missionnaires, jugés impies. Par ailleurs, à la fin des années 1970, la langue marquisienne allait être supplantée par le tahitien et le français, les Marquisiens n’osaient même pas parler leur langue à Tahiti, au risque d’être traités de « cannibales ».


Mais en 1977, une poignée de jeunes Marquisiens créèrent l’association Motu Haka. Leur but était de faire revivre les pratiques qui constituaient la culture et l’identité marquisiennes d’avant la colonisation (danse, chant, tatouage, sculpture, médecine traditionnelle, tapa), et de réhabiliter la langue marquisienne. Mais obtenir auprès des porteurs de savoirs et des doyens des îles les secrets des pratiques anciennes n’étaient pas une sinécure. En effet, ils étaient tellement imprégnés par la religion chrétienne, qui diabolisait la culture ancestrale, qu’ils ne souhaitaient pas faire ressurgir les fantômes du passé.


Heureusement, le Motu Haka reçut le soutien inattendu de Monseigneur Hervé Le Cléac’h, Breton d’origine, évêque des Marquises de 1973 à 1986. Là où ses prédécesseurs, les missionnaires, avaient tant œuvrer pour faire disparaître la langue et la culture marquisiennes, Mgr le Cléac’h cherchait à les faire revivre. En effet, selon lui, « l’Homme n’existe que dans une culture dont la langue est comme le support ; par elle se transmet la sagesse acquise des générations passées et se révèle les influences qui conditionnent l’avenir ». Grâce à son soutien, il permit à l’association Motu Haka d’assurer la crédibilité de ses membres auprès des anciens. Ainsi, ils leur livrèrent les secrets des traditions du passé et permirent le renouveau de la culture marquisienne, à partir des années quatre-vingt. C’est également à cette époque qu’est né le festival des Îles Marquises, le Matavaa, qui a lieu tous les quatre ans, et rassemble les danseurs et chanteurs de toutes les îles de l’archipel. Par ailleurs, l’initiative de Motu Haka a même conduit à la création de l’Académie Marquisienne, véritable garante de la préservation de la langue et de la culture marquisiennes.


Depuis, les haka (chants) reviennent, les himene (chants) et les ananau (incantations magiques) se font entendre dans les vallées ; les tatouages ornent de nouveau la peau des Marquisiens ; et le bois et la pierre sont réutilisés pour sculpter les dieux polynésiens. Même si le sens sacré de ces pratiques n’existe plus vraiment, car les croyances anciennes ont été remplacées par l’adoration du Dieu unique, les éléments culturels qui contribuaient à former l’identité du peuple marquisien sont revenus, et évoluent aujourd’hui avec leur temps. L’identité et la fierté des Marquisiens leur ont été rendues.


Photo haut de page: danseur de la délégation de Ua'Pou au Festival des Arts des Marquises de Tahuata, Décembre 2017


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